Le cuir des gauchos d'Uruguay

Bosal typique, sans boucles

Pour les artisans du cuir que nous sommes, la sellerie des gauchos représente une source d'étonnement sans fin. On trouve bien sûr une sellerie artisanale de qualité, réalisée par des artisans comme nous, très marquée par la culture gaucho mais l'essentiel de ce que nous avons pu voir et utiliser est fabriqué par les gauchos eux-mêmes. Chacun mets un point d'honneur à se confectionner son harnachement personnel: bride, licol (appelé bosal), longes et rênes, sangles (cincha) et collier de chasse. Les plus adroits se font eux-mêmes la cravache (rebenque) et les entraves (maneas) et même le lasso: sommets de l'art du tressage !

Bridon avec porte-mors à bouton

Le cuir est tanné au soleil (cuero crudo) et n'est pas traité chimiquement comme chez nous (cuero tratado). La règle de base est l'autonomie et donc toutes les techniques du travail du cuir sont réalisables le soir au campement ou pour les montages plus sophistiqués, pendant l'hiver à l'estancia. Très peu de boucles sont utilisées, remplacées par le système du bouton. Les chevaux Criollo étant assez homogènes au niveau de la taille, il y a assez peu de réglages, l'essentiel étant tressé. La bouclerie la plus courante est constitué d'anneaux de toutes tailles, parfois de récupération, fer, laiton ou sorte de maillechort.

 

Le cuir dit "cuir cru" s'allongeant très facilement et étant très glissant dès qu'il est mouillé, la plupart des cuirs sont tressés pour pallier à ces 2 inconvénients majeurs. Parfois le tressage peut atteindre  3 cm de diamètre, pour des étrivières par exemple ou la cravache traditionnelle. Certains motifs de tressage se retrouvent régulièrement mais quelques gauchos prennent le soin de créer eux-mêmes leur propre motif qui peut être magnifique, comme sur un frontal par exemple. Les lacets (latigos ou correjon) sont parfois passés à la filière en guise d'abat-carre et cela permet de jouer avec les différences de teintes des tranches.

 

Collier de chasse avec fausse-martingale réglable par noeud de cravate

Frontal tressé

Entraves en cuir cru, fermeture par bouton tressé.

Le sanglage, mais on devrait dire "les sanglages", de la selle recado est un vrai festival de noeuds de cravate (correon). Parfois le noeud n'est même pas fermé et le bout est simplement replié sous la peau de mouton (cojinillo) sur laquelle on s'assied ! On comprend pourquoi il vaut mieux oublier le trot enlevé ... Le comble du réglage est celui des étrivières puisque c'est encore un noeud de cravate qui relie chacune à un simple anneau: pas évident de régler les pieds à la même hauteur ! Quand on voit la difficulté de certains de nos cavaliers pour régler leurs propres étrivières , avec boucles et trous numérotés, on mesure le fossé qui sépare nos 2 cultures du point de vue de l'autonomie des cavaliers ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Etrivières tressées avec étriers ronds

La selle dite de type "RECADO" (il en existe des variantes innombrables selon la région d'origine ) est encore plus étonnante. Tout d'abord, il s'agit d'un arçon souple constitué de 2 "boudins" parallèles, rembourrés de roseaux à l'origine, mais le plus souvent de bourre de laine et crin et même de mousse pour les plus "modernes". Ces 2 battes sont reliés par une grande plaque de cuir, parfois échancrée au milieu et lacée. Le pommeau et le trousquin étaient autrefois en bois et servaient à rigidifier l'ensemble pour éviter qu'il s'écrase sur le dos. Maintenant, on trouve un peu toutes les options, depuis le simple rembourrage jusqu'au bois gainé. Les porte-étrivières sont de simples anneaux cousus de chaque côté en avant de la selle.

 

Selle type recado neuve

La sensation, du point de vue du cavalier, rappelle la selle de Doma Vaquera ce qui n'a rien d'étonnant. Il semble qu'on soit juste un peu plus assis avec des jambes plus en avant. Le plus surprenant est la position de la sangle qui est placée au milieu du ventre  contre-disant toutes nos certitudes de cavalier européen ! Naturellement les selles tournent facilement et il faut donc ressangler régulièrement c'est-à-dire mettre pied-à-terre, replacer la selle , repositionner la sangle et refaire les noeuds ... tout cela semble en contradiction avec une équitation de travail et pourtant les cavaliers interrogés considèrent que c'est la seule solution acceptable .

Wilson m'explique le sanglage

 Il faut avouer que leur façon de monter, limite cet inconvénient majeur qui nous joua quelques tours plus d'une fois. Tout d'abord, ils "sautent" à cheval sans s'appuyer sur les étriers avec une prestance et une délicatesse de chat. De plus, trot ou galop sont toujours assis et même vissé dans la selle, les étriers n'étant que des repose-pieds. En fait, ils se réajustent en permanence dès que la selle part sur un côté, par un mouvement de bassin et donc anticipent tout basculement. Tout cela se fait le plus naturellement du monde en discutant avec son voisin et éventuellement en se roulant une cigarette ...

Victor retrace pour moi l'histoire de la selle recado. Ce modèle date probablement du 19iéme siècle.

Rebenque tressée

Juan-Carlos notre guide, ex-champion national de crioja, le rodéo uruguyen, après une démonstration de lasso.

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